Échange épistolaire à propos de l’installation de crèches dans des bâtiments de la République.
décembre 2015
Que ce soit pour nous l’occasion de vous souhaiter à tous une excellente fin d’année qui annonce que les forces de l’obscurité vont être vaincues par la lumière qui revient ! Que cette lumière vous soit à tous propice ! Qu’ensemble nous puissions alimenter à notre mesure l’ardeur de cette lumière.
Cher monsieur le Tribunal
J’ai pris connaissance il y a quelques jours de votre décision d’interdire la crèche de Noël traditionnellement installée dans le hall du Conseil Général de la Vendée.
Quelle mouche vous a donc piqué ?
Vous avez fait des études je suppose. Peut-être savez vous donc que Noël vient du latin » Natalis » qui veut dire Naissance. Alors je vais vous livrer un secret que vous voudrez bien transmettre à vos confrères qui peut-être nagent avec complaisance dans la même ignorance que vous. La naissance dont il est question est celle d’un certain Jésus de Nazareth, né il y a un peu plus de 2000 ans. Je dis ça parce qu’étant donné que vous n’avez pas interdit les illuminations de Noël, je suppose que vous ignoriez ce détail. Voyez-vous, Noël n’est pas l’anniversaire de la naissance du Père Noël ( je suis désolé si je casse ici une croyance ancrée en vous ) mais bien celle de ce Jésus. Interdire une crèche sans interdire toute manifestation publique de cette fête est aussi stupide que si vous autorisiez la fête de l’andouillette tout en interdisant la consommation d’andouillette le jour de la fête de l’andouillette.
La crèche c’est ce qu’on appelle une tradition. Et ne me faites pas croire, Monsieur le Tribunal, que le principe de la tradition vous est étranger. Sinon comment expliquer que les magistrats exercent leur métier dans un costume aussi ridicule si ce n’est parce qu’il est le fruit d’une tradition ?
Vous êtes un briseur de rêves Monsieur, vous êtes un étouffeur de sens. La crèche c’est Noël et Noël c’est la crèche. La crèche c’est aussi l’histoire d’une famille qui faute de droit opposable au logement est venue se réfugier dans une étable. C’est un signe d’espoir pour tous les sans logement. La crèche c’est aussi un roi arabe et un autre africain qui viennent visiter un juif. C’est un signe d’espérance et de paix en ces temps de choc de civilisations et de conflit au Moyen Orient. La crèche c’est aussi des éleveurs criant de joie et chantant dans une nuit de décembre. Connaissez vous beaucoup d’agriculteurs qui rigolent en cette période de crise? La crèche c’est un bœuf, symbole de la condition laborieuse de l’homme. Enfin, la crèche, c’est un âne, même si une rumeur court disant que cet âne a quitté la crèche en 2013 pour rejoindre le Tribunal administratif de Nantes et ne semble pas en être revenu.
Malgré le fait que vous allez sans doute, par souci de cohérence, vous rendre à votre travail le 25 décembre, je vous prie de croire, Monsieur le Tribunal, à l’expression de mes souhaits de bon et joyeux Noël.
Jean Pierre Santon
Réponse…
Jean Pierre Santon a le sens du canular … mais pas celui des étymons et de toute la culture qui les accompagne!
Quelle naïveté! Taxer le tribunal d’ignorance et le justifier par la seule étymologie (tronquée) du mot Noël c’est prendre le risque d’être ridicule et impudent, voire très imprudent par ignorance !
En effet Noël vient bien de « natalis », la naissance, mais est tiré de l’expression latine de l’empereur Aurélien en 274 après JC, « Dies Natalis Solis Invicti « : « jour de naissance du soleil invaincu » , autrement dit la célébration du solstice d’hiver dans le cadre d’une fête païenne consacrée à Mithra divinité solaire, le 25 décembre du calendrier qui n’était pas encore le nôtre (pas encore Grégorien !). Bref une célébration qui tombait à pic après les Saturnales !
Or les Saturnales étaient une fête très populaire chez les Romains, on y célébrait Saturne du 17 au 24 décembre par des banquets, des échanges de cadeaux et même des figurines offertes aux enfants. On décorait les maisons de verdure : du houx, du gui et du lierre ! C’est Constantin Ier, le premier empereur chrétien, qui christianise cette fête en 312, plus tard Théodose interdira même les fêtes non chrétiennes pour ne garder que la pseudo naissance du Christ ce jour-là : en effet on ne connaît pas exactement sa date de naissance, on a donc choisi une date populaire déjà ancrée dans les mœurs et positivement connotée. Et je ne parle pas des rites celtes sacrés du même type aux mêmes dates !
Donc notre ami facétieux aurait dû être plus prudent ! Mais surtout qu’il ne nous apprenne pas ce qu’est la crèche et le sens de la fête qui, même dans l’antiquité païenne réunissait la famille et permettait d’échanger des cadeaux et de se montrer généreux avec les plus défavorisés ! Ce n’est pas le seul rituel païen que l’église a christianisé, ce sont beaucoup d’autres rituels qui existaient bien avant le Christ dans de nombreuses civilisations du nord au sud de l’Europe ! Depuis le XXème siècle le rite religieux perdure, certes, mais s’est aussi affranchi de son sens religieux pour se laïciser et retrouver un sens très ancien (involontairement souvent) les symboles universels du rassemblement de la famille autour de l’enfant, du don, de la générosité pour les plus pauvres, de la bonne table, de la lumière qui est annoncée ! Hélas aussi du triomphe du commerce… mais on n’a rien sans rien ! La « dépense » fait partie de notre manière de lutter contre les forces de l’obscurité, l’hiver comme la mort ! Processus libidinal archaïque très efficace il faut l’avouer!
Pauvre Jean Pierre Simon qui ne sait pas rattacher sa culture à son substrat qui remonte à la « nuit » des temps déjà si riche et si universelle !
Marie-Paul Tournier
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Un immense bravo à l’auteur de cette lettre. On peut être laïc sans être stupide.
Quel dommage ces querelles steriles !
Marie-Paul Tournier nous « apprend » ce qui est su depuis longtemps par la majorité des chrétiens. Peu importe la date de naissance de JC.
Un détail important – relevé par Jean Pierre Santon dans sa lettre à « monsieur le tribunal » – échappe à Marie Paul Tournier, pourtant soucieuse de défendre la laïcité.
Pourquoi la grande majorité des jours fériés, c’est-à-dire, festifs et des congés, voire vacances, en France, champion de la laïcité, correspondent-ils précisément à des fêtes ou traditions chrétiennes ? Pourquoi ne pas travailler le jour de Noël, le jour de Pâques, le jour de la Pentecôte – et surtout les lundis qui leur font suite – et aussi tous les dimanches ?
Pourquoi un pays aussi laïc que le nôtre entretient-il des relations d’Etat à Etat avec la théocratie la plus théocratique qui puisse exister, l’État du Vatican, issu du régime fasciste (cf Accords du Latran, 1929) ?
L’Observatoire de la laïcité de Provence, qui semble considérer que la liberté d’opinion découla de la loi de 1905 (cf sa proclamation liminaire : « La laïcité n’est pas une opinion, mais la liberté d’en avoir une »), semble ignorer le contexte et les intentions de la loi affirmant cette laïcité et l’antériorité plus que séculaire de la proclamation de la liberté d’opinion en France.
Ce n’est pas le cas de tous les Français.
La liberté d’opinion, comme la liberté tout court, se limite inévitablement à la liberté d’opinion d’autrui. Cela peut s’observer journellement dans les faits, les gestes et les propos observables dans notre pays.
Pourquoi alors, Marie Paul Tournier, user de tant d’ironie vindicative vis-à-vis de « Jean Paul Santon » qui savait certainement ce que signifiait Natalis pour les Romains et qu’on ignorait la date de naissance (et même l’année) de Jésus ?
Quel dommage sa petite missive moqueuse – et sans prétention, elle – cause-t-elle à la laïcité ? Quel dommage les crèches qui n’apparaissent qu’une fois chaque année lui causent-elles ?
Incredula
Effectivement tout cela me semble bien stérile et très éloigné des vraies préoccupations des uns et des autres. Au delà des querelles sémantiques et politiques, dans la lettre de notre cher JPS, il y a quelque chose d’important : la Tradition ! Notre pays et notre peuple ont une histoire et donc des traditions souvent très anciennes. Traditions qui nous font nous retrouver, partager et développent le « vivre ensemble » . Je note que cette tradition de Noël, jusqu’ à récemment, n’avait jamais posé problème . Dans le même temps notre pays et notre peuple, n’ont jamais empêché que d’autres traditions venant d’autres cultures, cohabitent ? Pourquoi faudrait il tout effacer sous prétexte que certains ne comprennent pas nos traditions ? Quel pays sommes nous devenus qui courbe l’échine et ne sait pas assumer sa propre culture ? c’est insensé ! Que nos institutions en soient rendues aussi bas , c’est vraiment manquer de colonne vertébrale ! J’ai mal à ma France mais je vous souhaite à tous de Joyeuses fêtes de Noël